L'essai d'intimidation de France Télécom met en lumière une série de suicides
Un procès historique en matière de responsabilité des entreprises a pris fin. Orange, anciennement France Télécom, avait été accusé de "harcèlement moral" ayant entraîné une vague de suicides dans les années 2000.
L’accusation a demandé le maximum des peines: une amende de 75 000 € (67 000 £) pour France Télécom et un an de prison pour trois anciens cadres supérieurs. Le verdict est attendu le 20 décembre.
Les deux derniers mois et demi ont été longs et pénibles, tant pour les accusés que pour ceux qui sont venus témoigner sur le plan émotionnel.
La cour a entendu un témoignage déchirant de la part des familles de ceux qui sont décédés.
Au total, l'accusation a inclus 19 affaires de suicide, ainsi que 20 autres personnes déclarant avoir été victimes d'abus de la direction.
Le plan de gestion consistait à supprimer environ 22 000 emplois sur un total de 130 000, afin d'assurer la survie de l'entreprise.
"France Télécom est responsable de mon suicide"
Chaque histoire devait être racontée en détail, comme celle de Rémy Louvradoux, un employé de France Télécom âgé de 56 ans, qui est décédé en s'être immolé par le feu devant son bureau en avril 2011.
Sa fille, Noémie, a déclaré qu'il était devenu "la tache carbonisée sur le mur" de l'immeuble France Télécom à Mérignac, dans le sud-ouest du pays.
"La mort de mon père signifiait [management’s] objectif avait été atteint. "
Ou de Michel Deparis, qui s'est suicidé en 2009, laissant une lettre dans laquelle il disait: "Ce qui a conduit à cela, c'est mon travail. France Télécom est responsable de mon suicide."
La cour a entendu des psychologues, des sociologues et des experts en matière de souffrance au travail.
Et il a été entendu par les cadres supérieurs qui auraient dirigé la politique de "harcèlement moral", conçue cyniquement, a déclaré le parquet, pour inciter les personnes qui ne pouvaient pas être chassées de l'entreprise à sauter de leur plein gré.
Trois cadres supérieurs qui pourraient faire face à la prison
- Ancien directeur général Didier Lombard
- Ancien directeur général adjoint, Louis-Pierre Wenes
- Ancien responsable des ressources humaines Olivier Barberot
Quatre autres cadres étaient également sur le banc des accusés.
- Une entreprise française en procès pour suicides
- Un homme de France Télécom brûlé à mort
Le travail coupe «par la fenêtre ou la porte»
Le procès a entendu parler de deux projets – en langage de gestion classique appelé Suivant et ACTE – qui ont été élaborés en 2006.
Le premier était un projet de restructuration de France Télécom, adapté à la concurrence dans le secteur privé. NExT fait référence en anglais à "New Experience in Telecom services".
Le second était l’accompagnement social de 22 000 suppressions d’emplois. ACT représentait en français "anticipation et compétences pour la transformation".
Le tribunal a entendu parler d'un discours tristement célèbre devant des cadres supérieurs à Paris, lorsque le directeur général de France Télécom, Didier Lombard, aujourd'hui au banc des accusés, a déclaré: "Nous devons être bien clairs: nous ne pouvons pas protéger tout le monde. En 2007, j'aurai ces postes manière ou d'une autre. Par la fenêtre ou par la porte. "
Les juges savent qu'ils vont rendre un verdict qui pourrait avoir des conséquences énormes pour la conduite future des grandes entreprises.
Un cas sans précédent
Au milieu des années 2000, France Télécom était en pleine mutation économique et culturelle.
Privatisé par le gouvernement, il devait s'adapter à la nouveauté de la concurrence ainsi qu'à un rythme vertigineux de changement technologique.
Les membres du personnel qui avaient été employés dans les années 1980 et 1990, espérant une longue carrière dans le monopole de l’État, se sont retrouvés aux prises avec un nouveau monde de centres d’appels et de contrôle des coûts.
La situation a été encore compliquée par le fait que la plupart de ces travailleurs ont été embauchés comme employés de l’État et que leurs emplois ont donc été protégés.
On ne pouvait leur demander de partir, alors la direction a décidé de les encourager. Et à la fin, France Télécom est devenue Orange et a survécu et prospéré.
Tel est le contexte de ce procès sans précédent, la toute première entreprise de "harcèlement moral".
L’accusation a déclaré que les cadres supérieurs avaient délibérément créé des conditions qui, à leur connaissance, poussaient certains employés à la limite.
La défense dit que c'est le genre d'accusation qu'il est impossible de prouver.
Chaque cas est indiscutablement un drame humain – et personne au tribunal n'a prétendu un seul instant que les souffrances des travailleurs de France Télécom n'étaient pas sincères.
Mais établir une chaîne de responsabilité allant de victime de suicide à cadre supérieur – ce serait une étape majeure de la jurisprudence.