Les procureurs réclament un verdict de culpabilité pour les deux dirigeants du procès de suicide de France Télécom

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PARIS: Le procureur français a appelé vendredi 5 juillet un tribunal parisien à déclarer les anciens dirigeants de France Télécom coupables de "harcèlement moral" pour une vague de suicides parmi les employés qui ont secoué la société et le pays il y a une décennie.

Entre 2008 et 2009, 35 employés de l'ancien géant des télécommunications, devenu aujourd'hui Orange, se sont suicidés au beau milieu d'un plan de restructuration au cours duquel les patrons ont décidé de supprimer un cinquième de l'effectif.

Certaines des victimes, dont l'une a sauté par la fenêtre du cinquième étage devant ses collègues, ont laissé des notes exprimant leur profond mécontentement au travail. Un homme a directement accusé France Télécom, affirmant que la société était "la seule cause" de son acte désespéré.

Les experts en santé mentale soulignent que les facteurs qui poussent les gens au suicide sont généralement complexes et multiples.

Mais les suicides ont néanmoins provoqué une profonde introspection sur la culture du lieu de travail, alors que de nombreuses grandes entreprises françaises étaient sous pression pour être plus compétitives.

Sept anciens dirigeants de France Télécom, dont l'ancien directeur général Didier Lombard et l'ancien directeur des ressources humaines Olivier Barberot, sont accusés d'avoir mis en place un système de "harcèlement institutionnel" visant à contraindre les travailleurs à démissionner.

Demandant au tribunal de les déclarer coupables, la procureure Françoise Benezech a déclaré vendredi: "Il ne fait aucun doute que, lors de la conception d'une restructuration comportant des licenciements et des licenciements énormes, les dirigeants savaient qu'ils déstabilisaient les travailleurs".

"En vérité, vous vouliez les déstabiliser", a-t-elle accusé.

L'enquête s'est concentrée sur les cas de 39 employés, dont 19 se sont suicidés, 12 ont tenté de le faire et huit ont souffert de dépression aiguë ou ont été déclarés malades à la suite de celle-ci.

"Vous avez tué mon père"

France Télécom est elle aussi accusée de harcèlement moral, une première pour une entreprise de premier ordre cotée à l'indice boursier français CAC 40.

Tout au long des deux mois de procès, les familles des victimes ont exprimé de manière émouvante les craintes de leurs proches de perdre leur emploi ou d'être inéquitables par rapport aux tâches qui leur étaient confiées.

La fille d'un homme qui s'est immolé par le feu sur le parking d'un bureau de France Télécom situé en périphérie de Bordeaux en 2011 après avoir été mutée d'un poste à l'autre a été condamnée à mort.

"Vous avez tué mon père", a-t-elle accusé les dirigeants.

Un haut responsable d’Orange, qui représentait France Télécom lors du procès, a admis que la société n’avait pas réussi à s’occuper de ses employés "les plus vulnérables".

Mais Lombard, qui avait notoirement déclaré à une réunion de directeurs en 2006 qu'il "inciterait les gens à partir d'une manière ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte", a nié toute responsabilité de la part de la direction.

"Les transformations que doit subir une entreprise ne sont pas agréables, c'est comme ça, je n'aurais rien pu faire", a-t-il déclaré.

'GESTION PAR TERREUR'

Le harcèlement moral institutionnel est défini comme "des actes fréquemment répétés dont le but ou l'effet est la dégradation des conditions de travail".

Les familles des victimes et les syndicats accusent France Télécom de mettre en place un système sur près de 23 000 sites répartis dans tout le pays, obligeant notamment les travailleurs à changer de travail ou à se déplacer pour un travail.

En juillet 2008, un technicien marseillais âgé de 51 ans s'est tué, laissant une lettre accusant les patrons de "gestion par la terreur".

Lombard, qui a été contraint de démissionner en 2010, quelques mois après que les suicides aient fait la une des journaux, a affirmé qu'il se battait pour sauver France Télécom de la faillite après sa privatisation en 2004.

En cas de condamnation, les autres dirigeants et lui-même pourraient être condamnés à un an d’emprisonnement et à une amende de 15 000 euros.

Orange pourrait se voir infliger une amende de 75 000 euros.

En dépit de la législation française du travail, parmi les plus strictes au monde, l'épuisement professionnel est un thème récurrent.

À la suite de l'affaire France Télécom, de nouvelles lois ont été adoptées obligeant les entreprises à prendre des mesures pour protéger la santé mentale des travailleurs.

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