Le Bénin se prépare au retour des trésors pris par la France

0

Les vitrines des palais royaux d'Abomey, une ville endormie du sud du Bénin, sont couvertes de poussière et les salles d'exposition plongent dans l'obscurité.

Mais le chef du tourisme local, Gabin Djimasse, espère que tout cela changera avec le retour de 26 artefacts de l’ancien maître colonial français et la construction d’un nouveau musée.

"Ces objets sont une chance pour la survie du site", a déclaré Djimasse à l'AFP au cours de sa visite des vastes cours bordées de bas-reliefs datant du royaume du Dahomey, datant du XVIIIe siècle.

"Ils nous permettront de construire un nouveau musée et de rendre les palais royaux plus économiquement durables."

En novembre, le président Emmanuel Macron a pris la décision historique de restituer les œuvres d'art – y compris un trône royal – prises par les troupes françaises il y a plus d'un siècle et conservées au musée du Quai Branly à Paris.

Cette décision a exacerbé les pressions exercées sur les anciennes puissances coloniales pour qu’elles restituent les artefacts volés à leurs pays d’origine – et ont fait rêver d’une bouée de sauvetage à Abomey.

Le royaume du Dahomey a atteint son apogée aux 18e et 19e siècles et est devenu une source majeure d’esclaves pour les commerçants européens avant la conquête de Paris par les années 1890 qui met fin à son règne.

Un prêt de 20 millions d'euros (22,5 millions de dollars) de l'Agence française de développement va désormais financer le nouveau musée et vise à rendre le site du patrimoine mondial de l'UNESCO de 47 hectares plus attrayant pour les visiteurs.

Alors que le Bénin a salué la décision de la France de restituer les objets, il a mis en garde contre le risque de le faire trop rapidement.

Macron veut que les œuvres soient restituées "sans délai", mais le musée d'Abomey ne devrait ouvrir ses portes qu'en 2021 et l'agence du patrimoine du Bénin a déclaré que le pays avait besoin de temps pour être "vraiment prêt".

– 'Bonne opportunité' –

Djimasse a déclaré que les projets du musée visant à mettre en valeur son histoire et son patrimoine avaient déjà subi plusieurs changements.

Au début, "c'étaient toutes des vidéos en 3D, et vous auriez pensé être dans un parc d'attraction ou à Dubaï", a-t-il plaisanté.

Le dernier projet devrait être plus sobre, s’intégrer à l’architecture locale et s’appuyer davantage sur l’éclairage naturel et moins sur les écrans à plasma.

Mais la construction de l'infrastructure physique n'est qu'une partie du défi.

Djimasse a déclaré que l’autre grande priorité était de trouver des personnes qui travailleraient comme guides et développent l’expertise nécessaire pour entretenir et restaurer correctement les œuvres.

"Il y a quatre ans, le quai Branly à Paris voulait former deux jeunes Béninois à la restauration", a-t-il déclaré.

"Nous avons cherché partout des scientifiques, mais nous n'en avons trouvé aucun – et nous avons finalement envoyé un étudiant en histoire."

À l'École du patrimoine africain de Porto-Novo, capitale du Bénin, une douzaine d'élèves âgés de 23 à 53 ans travaillent avec diligence pour participer au projet.

C'est la "première série" d'un nouveau programme de formation visant à développer les diverses compétences requises, a déclaré leur enseignant, Richard Sagan.

"Dans un musée, il n'y a pas que le conservateur", a déclaré Sagan, spécialiste de l'agence du patrimoine du Bénin.

"Il existe toute une chaîne de métiers, composée de techniciens et d'artisans qualifiés".

Les membres de la classe ont déjà travaillé dans le domaine culturel et ont insisté sur le fait que le retour des œuvres d'art en provenance de France pourrait être un grand stimulant.

"C'est une grande opportunité pour les jeunes", a déclaré Messie Boko, une étudiante de 28 ans guide dans un musée de la ville.

"Il est de notre devoir de savoir comment diffuser cet héritage".

– 'Héritage du monde' –

Alain Godonou est appelé "Monsieur Benin héritage" par ses collègues de l'agence nationale.

Il a peut-être étudié en France mais il n’a jamais eu accès aux quelque 5 000 objets du royaume de Dahomey détenus par le pays.

Un ancien responsable de l'UNESCO, Godonou, a déclaré à l'AFP que la préparation du retour des objets avait été un "but" de sa vie.

Mais il a insisté sur le fait que le Bénin devait encore adopter un cadre juridique complet pour protéger le patrimoine.

En ce qui concerne les 26 objets, ils ne devraient qu’être le début d’un processus plus vaste.

Godonou a déclaré que le Bénin souhaitait "récupérer ses droits de propriété" sur toutes les œuvres d'art conservées à l'étranger – même si cela ne signifiait pas leur retour à la maison de façon permanente.

"Nous voulons que les travaux bougent, c'est notre philosophie", a-t-il déclaré. "En fin de compte, ils font partie du patrimoine mondial."

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *