La privatisation de Macron est une mauvaise nouvelle pour les entreprises françaises

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La privatisation de Macron est une mauvaise nouvelle pour les entreprises françaises

Le président français Emmanuel Macron est devenu habitué à la colère des automobilistes qui dressent des obstacles contre ses réformes en faveur du monde des affaires, mais il ne prévoyait pas le Parlement, où son parti disposerait d'une majorité écrasante. C’est pourtant ce que les députés ont fait, avec un peu d’aide de la Cour constitutionnelle française.

Ce mois-ci, ils ont empêché la vente d'Aéroports de Paris, l'opérateur aéroportuaire coté en bourse, dans lequel l'État français détient une participation de 50,6%. L’ensemble du programme de privatisation de M. Macron pourrait maintenant être mis en péril.

L’État français détient des participations dans des dizaines de grandes entreprises (et des centaines de plus petites), parmi lesquelles EDF, ADP, Airbus, d’une valeur totale d’environ 100 milliards d’euros. La réduction de certaines de ces participations était un élément important du programme de modernisation économique de M. Macron. ADP devait être vendu en premier, suivi du groupe énergétique Engie et de l’opérateur de loteries Française des Jeux. Le produit de cette vente réduirait la dette montagneuse française, qui représentait 98% du produit intérieur brut l’année dernière, ou permettrait de dégager des liquidités pour d’autres priorités, telles que la création d’un nouveau fonds d’innovation de 10 milliards d’euros destiné à aider le pays à s’adapter aux technologies de rupture.

La privatisation redirigerait les ressources et attirerait l'attention des responsables sur les endroits où ils pourraient être utilisés au mieux. Les pouvoirs publics n’ont que peu de valeur ajoutée s’agissant de l’exploitation d’une entreprise de vente au détail ou de l’immobilier, qui représentent ensemble près du tiers des revenus d’ADP.

L'année dernière, la compagnie est devenue la plus grande compagnie aéroportuaire au monde en nombre de passagers, avec 281 millions de passagers répartis sur 25 aéroports, juste devant Aena of Spain. Il est depuis tombé à la troisième place après le transfert par Istanbul des vols réguliers vers Ataturk d’ADP vers un tout nouveau site le mois dernier.

ADP peut exploiter les aéroports d’autres pays comme s’il s’agissait d’une entreprise privée. Mais céder ou réduire la participation du gouvernement français dans l’exploitant des aéroports parisiens allait toujours être difficile. Les socialistes de l'opposition ont accusé M. Macron d'avoir vendu l'argent de la famille. Plus surprenant, il s'est heurté à une vive résistance de la part des républicains de centre-droit, y compris d'anciennes pom-pom girls à la privatisation, qui ont critiqué la vente d'un actif d'importance stratégique pour la sécurité des frontières.

Il y a eu également des objections fondées. Pourquoi un opérateur privé devrait-il être autorisé à exploiter les trois aéroports parisiens, Charles de Gaulle, Orly et Le Bourget? Les partisans de l’État peuvent désigner de nombreuses sociétés aéroportuaires publiques, notamment Aena ou Schiphol à Amsterdam. Les politiciens français ont eu un avant-goût de la médecine dirigiste cette année lorsque le gouvernement hollandais, généralement un champion de la libre entreprise, a construit une participation de 14% dans la compagnie aérienne Air France-KLM précisément pour protéger Schiphol en tant que plaque tournante internationale.

D'autres critiques ont évoqué la vente ratée de l'aéroport de Toulouse Blagnac, dans le sud de la France, à un groupe d'infrastructure chinois peu expérimenté dans le secteur de l'aviation. L’acheteur le plus probable pour ADP n’est cependant pas une société chinoise, mais le groupe de construction Vinci, qui exploite 45 aéroports dans une douzaine de pays et est le deuxième opérateur mondial.

Vinci détient déjà 8% du capital d'ADP. Une prise de contrôle en ferait un champion du monde. On pourrait donc considérer le grand perdant lorsque les députés ont largué leur bombe. Un projet de loi autorisant la privatisation d’ADP avait déjà été approuvé par l’Assemblée nationale mais n’avait pas été promulgué. Les députés de l'opposition se sont donc associés pour organiser un référendum national pour empêcher la vente, en utilisant un mécanisme constitutionnel créé en 2008 mais jamais utilisé auparavant. La cour a statué que leur manoeuvre plébiscitaire était légale, ce qui a déstabilisé le plan de privatisation.

Le référendum peut ne jamais avoir lieu. Il doit d'abord recueillir les signatures de 10% de l'électorat, un défi de taille même dans un pays où le public est prêt à se mobiliser pour montrer son mépris pour la politique gouvernementale. Il est difficile pour un président qui, accusé d’être arrogant, a promis une plus grande participation du public dans les décisions du gouvernement, de s’opposer à la consultation des électeurs.

Mais l'appel du référendum signifie des retards et de l'incertitude, ce qui n'est pas bon pour un gouvernement qui souhaite obtenir le meilleur prix pour des actifs de valeur. Les opposants de M. Macron peuvent essayer d’utiliser ce dispositif pour mettre fin à toute privatisation, voire à toute réforme économique litigieuse. C'est une mauvaise nouvelle pour les entreprises françaises.

ben.hall@ft.com

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